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Live Report – Feu ! Chatterton au Zénith le 14 avril 2022 : Une couverture d’amour

Live Report – Feu ! Chatterton au Zénith le 14 avril 2022 : Une couverture d’amour

La semaine dernière, Feu ! Chatterton nous a ébloui au Zénith de La Villette. Il faut dire que tous les rendez-vous manqués, à cause de la crise sanitaire, nous a donné l’eau à la bouche. Visiblement, le groupe était aussi heureux de retrouver la scène parisienne.     

Évidemment ils ont laissé une large place à leur dernier album « Palais d’argile ». Certains titres repris en chœur par la salle comme « un monde nouveau ». Communion intergénérationnelle assez émouvante et forte car les spectateurs étaient de tout âge. Ce fut assez magique de nous voir rassembler au-delà de nos idées et de nos sensibilités.

Tous, debout, le regard tendu vers la scène et chantant « Un monde nouveau, on en rêvait tous… ».

Il y a dans la musique de Feu ! Chatterton des morceaux très rock aux percussions puissantes telles qu’on peut les retrouver chez Mathieu Chedid. Mais pas seulement puisque d’autres morceaux sont plus planants, à la musicalité douce et euphorique. Ils m’ont fait penser aux Pink-Floyd notamment dans l’album « Dark side of the moon ».

Et puis, il y eut ce moment où Arthur Teboul s’arrêta brusquement de chanter. Il venait de voir qu’une personne s’était évanouie dans la fosse. En un instant, il venait de nous faire comprendre que le show, celui de Feu ! Chatterton pouvait passer au second plan. L’humain reprenait l’essentielle première place, l’humain réclamait cette pause.

Après deux heures de concert et le retour sur scène et un premier rappel, ce fut la reprise de « L’Affiche Rouge » poème de Louis Aragon déjà magistralement mis en musique et interprétée par Léo Ferré. Ah ! la voix d’Arthur, divinement rauque, une voix un peu blessée qui entre en résonnance avec les mots d’Aragon plus que jamais d’actualité. Un moment de grâce, poignant.

Jeudi soir, nous avons fait le plein de lumières, de joie et de soleil. Nous nous sommes retrouvés enveloppés d’une couverture d’amour.

                                                                                                      © Nicko Guihal

© Martine Samama

Peter Doherty & Frédéric Lo : « The fantasy life of poetry and crime »

Peter Doherty & Frédéric Lo : « The fantasy life of poetry and crime »

Je me suis longtemps tenue à l’écart de Pete Doherty. Enfant terrible du rock anglais, il était trop destroy pour moi. Tel ce papillon fragile nommé « éphémère », il gravitait dans les milieux glauques. Ami de fortune de Amy Winehouse, ils peignaient ensemble avec leur sang. Totalement addict à la morphine et autres substances, sa production artistique en a souffert.

                                                                                                                                                                                                                                                               © Nicolas Despis

Il aura fallu, tel un alignement des planètes salvatrices, pour que cet enfant terrible produise, à nouveau, un album « The fantasy life of poetry and crime ». Il a enfin trouvé en Normandie, face aux falaises d’Étretat, la sérénité. Sa muse et aussi la collaboration artistique avec le français, Fréderic Lo l’ont tiré de la spirale infernale dans laquelle il se noyait.

Cette collaboration entre Pete Doherty et le parolier de Alex Beaupain et Stephan Eicher était comme une évidence. Chargée de mélodies et de l’orchestration, l’ambiance est à l’acoustique. Ainsi, se déroule une kyrielle de balades sur lesquelles Pete Doherty pose sa voix douce, légèrement rauque et toujours fragile. Elles nous embarquent pour un voyage au cœur de la poésie. Certaines mélodies me rappellent les chansons des Beatles. Quand j’étais jeune, quand les fêtes s’épuisaient tard dans la nuit, il y avait toujours quelqu’un qui attrapait une guitare et entonnait « Rocky Racoon. S’installait alors une douce intimité, un apaisement incroyable. Il en est de même avec cet album. D’ailleurs, ne croit-il pas « au pouvoir de la musique et de la poésie » ?

Alors, écoutez « The fantasy life of poetry and crime » et vous verrez que c’est vrai. Vous pouvez même regarder sur Arte le premier concert de Peter Doherty et Frédéric Lo. Un moment intime enregistré à Étretat dans la maison où a été écrit et composé leur.

Une jeune fille qui va bien – Jeunesse : Résistance Éternelle

Une jeune fille qui va bien – Jeunesse : Résistance Éternelle

Sandrine Kiberlain réalise son premier film « Une jeune fille qui va bien ». C’est un mélange de sa propre histoire, elle a suivi des cours d’art dramatique, et de celui de ses ascendants dont elle réinvente le passé.

En 1942 une jeune fille juive, Irène, suit avec passion des cours de théâtre et se prépare ardemment au concours d’entrée du conservatoire. Un jeune homme, Jo, lui donne la réplique et d’emblée nous plongeons dans le milieu du théâtre. Mais surtout, nous suivons cette jeune fille, merveilleuse et authentique Rebecca Marder, dans sa vie d’adolescente. Tout au long du film, nous sentons la caméra complice, cordon ombilical bienveillant de Sandrine Kiberlain, gros plans permanents sur ce visage candide, énergique et frais. « Elle est inconsciente de sa séduction, de sa grâce » dit la réalisatrice.

Entourée de sa famille et de ses amis, elle puise ainsi sa force et sa grâce dans ce cercle heureux. Sa grand-mère, magnifique Françoise Widhoff, lui dit : « À 20 ans, rien ne se fera sans toi », « On décide de tout dans la vie », « Rien, ni personne ne prend le dessus sur la vie ». Ces certitudes bienveillantes permettent à Irène d’aller dans la vie avec une sérénité candide.

Pourtant, le spectateur est pris dans les phares entre, d’un côté, une jeune fille légère, amoureuse, pétillante, solaire et, de l’autre, l’apparition d’une fissure terrible au gré des ordonnances anti-juives qui se succèdent et enferment les juifs dans un étau glaçant.

Sandrine Kiberlain l’affirme, Irène va bien. Elle est amoureuse, passionnée. Elle ne pense qu’à son aimé et à son concours. Qu’importe le désordre du monde. Elle arbore cette étoile jaune avec une certaine désinvolture. Mais n’est-ce pas la force de la jeunesse, sa détermination, sa croyance en la vie, sa puissance que nous retrouvons aussi de nos jours ?

J’ai lu des critiques s’attachant à la musique hors de propos, aux vêtements peu fidèles à la réalité de l’époque, aux détails de cette période qui ont fâché ceux qui pensaient voir un film historique. Mais ce n’est pas le sujet ! Absolument pas ! Le sujet, c’est cette jeune fille qui va bien en 1942 parce qu’elle est entourée de gens qui l’aiment. Le sujet c’est sa passion pour le théâtre. Cette jeunesse-là, si forte soit-elle, va se voir fauchée, fracturée, dépecée, niée, anéantie par l’ombre épouvantable du nazisme.

Film terriblement émouvant qui entre en résonnance avec le journal d’Anne Franck et celui d’Hélène Berr est à voir absolument.

Jane par Charlotte

Jane par Charlotte

 

Il y a plusieurs jours déjà, je suis allée à l’avant-première du film « Jane » en présence de Charlotte Gainsbourg, long métrage documentaire sur sa mère Jane Birkin.

Dans la famille Birkin/Gainsbourg se dire « je t’aime » en direct est difficile alors on se parle par caméra ou micro interposé. On découvre Jane telle qu’elle n’est jamais apparue auparavant. Fragile, pudique, lumineuse et …drôle. Son regard sur la vieillesse est à la fois touchant et plein d’autodérision. Son visage devenant « comme le genou d’un éléphant » et se décidant à ne pas mettre ses lunettes pour se regarder « floue ».

On assiste alors à une séance de poses que Charlotte organise. Elle tient absolument à ce que ces photos soient celles d’une mère qui reste très belle. La caméra la frôle, la caresse, joue avec la lumière, les sourires et les regards complices de Jane. Sensualité douce et simple.

Jane est une personne intranquille depuis son enfance, prenant des somnifères depuis toujours, morte de peur quand elle doit monter sur scène. Cependant, quand la musique résonne, elle s’épanouit. À Tokyo, à New-York, la caméra s’impose côté coulisses et la frêle Jane est poussée à l’avant de la scène avec force : va-t-elle s’écrouler, se recroqueviller ? Non, elle avance avec fougue et détermination. Sa force créatrice, les défis qu’elle se lance la transcende, la porte. Alors, pour se ressourcer, nous la retrouvons en Bretagne dans sa maison au bord de la mer. Elle est avec Charlotte et Jo, sa petite fille, une enfant espiègle témoin et spontanée.

Un bric-à-brac, comme une liste à la Prévert, poétique et assumé encombre cette demeure. Jane ne sait pas jeter car se débarrasser des choses c’est balancer ces petits riens qui forment le tricot de ses souvenirs. Avec attention et tendresse, elle trouve un endroit improbable où semer les graines de fleurs que lui apporte Jo. Les jours coulent ainsi, sereins et doux.

Un des moments forts de ce film est la visite guidée rue de Verneuil, l’antre de Serge Gainsbourg. Jane y fait ses premiers pas, comme autorisée par Charlotte d’entrer dans le palais de « la belle au bois dormant ». Les souvenirs et l’émotion l’assaille telle cette table de cuisine griffée par Kate, fille ainée de Jane, lorsque, encore enfant, Serge Gainsbourg la grondait. Tout est figé depuis 30 ans, intact : les cendriers sont pleins, les boites de conserves et les médicaments en place dans les placards, les flacons de parfums ont gardés leur fragrance, bulles du passé qui dorment, la sensation que Serge Gainsbourg pourrait, là, à l’instant, pousser la porte de ce lieu mythique.

L’autre moment terriblement émouvant et qui nous arrache des larmes est celui où Charlotte tente de montrer des photos de Kate décédée en 2013. Images qui sont et resteront insoutenables pour Jane. Ce paroxysme de l’émotion est à son comble. Peut-être Charlotte s’est demandée si elle devait garder cette séquence ? La souffrance de Jane est tellement perceptible, palpable.

Le film s’achève sur une image symbolique et universelle, la mère et la fille, cheveux emmêlés face à la mer. Toute fille, toute mère rêverait de cette symbiose, de ce cocon d’amour et de tendresse. Réussir sa vie n’est-ce pas avant tout cette réciprocité d’amour ?

Feu! Chatterton et son palais d’argile

Feu! Chatterton et son palais d’argile

En 1770, Thomas Chatterton, jeune poète de 17 ans, talentueux et fragile, se donne la mort.« Feu ! Chatterton » a emprunté son identité en ajoutant ce « ! » pour mieux le faire renaître. Ce « ! » est un top départ pour ce groupe ambitieux et perméable à l’art en
général.

                                                                                                                                                                                                                                                               © Antoine Henault

Malheureusement début 2020, la pandémie oblige l’annulation du spectacle. Resteront les chansons de ce 3 ème album. Son  architecture et son âme seront sauvés.

Ces pièces musicales, tel un puzzle complexe, s’assemblent harmonieusement pour former un tissu poétique allant d’hier à ce qui sera demain. Prophétiques, elles s’emboitent, s’ajustent dans une parfaite maitrise.

D’abord ces 3 titres, « Nouveau monde », « Cristaux liquides » et « Écran total », nous plongent dans une réalité électronique et froide. Vocabulaire rejetant l’âme et la poésie, l’humain exclu, renvoyé dans les limbes. Le « Palais d’Argile » prend l’eau, s’amollit, se
désagrège mais rien n’est définitif.

Deux titres, au milieu de l’album, font la part belle à la poésie. « Avant qu’il y ait le monde », poème de William Butler Yeats, qui s’adapte parfaitement à notre époque. Douce mélancolie des paroles. Puis, « Compagnons des mauvais jours », terrible chanson qui lorsqu’elle vous embarque au petit matin vous tient en fredonnant jusque tard dans la nuit. Renaissance de ce poème de Jacques Prévert repris maintes fois par les plus grands, Reggiani, Montand, les Frères Jacques.

Une pépite telle « la mer » qui place des mots sur notre âme pour mieux l’apaiser. Chaque parole entre en résonnance avec quelque chose de l’ordre du sublime.

Dans ce disque il y a des textes qui nous invitent au spleen, à la certitude du dérisoire mais, de l’autre côté, on découvre ce désir qui tenaille, qui hèle, qui aspire à la lumière d’un « Nouveau monde ».

Ces 5 garçons, copains de jeunesse pour 3 d’entre eux, sont dans la maitrise absolue de leur art. Arthur Teboul, chanteur à la tessiture « aznavourienne », participe grandement au charme romantique et à la poésie fascinante de cet album. S’y ajoute cette fois, Arnaud Rebotini, fan de claviers et de synthétiseurs analogiques, « César 2018 » de la meilleure musique pour le film « 120 battements par minute ». Il a su par son génie, glisser un fil d’or dans chaque morceau.

Retrouvez-les en live en 2022 pour une grande tournée qui débute le 19 janvier à Bruxelles, s’arrêtera à Paris le 10 février au Zénith (j’y serai !) et le 24 juin à l’Hippodrome de Longchamp.