Sandrine Kiberlain réalise son premier film « Une jeune fille qui va bien ». C’est un mélange de sa propre histoire, elle a suivi des cours d’art dramatique, et de celui de ses ascendants dont elle réinvente le passé.
En 1942 une jeune fille juive, Irène, suit avec passion des cours de théâtre et se prépare ardemment au concours d’entrée du conservatoire. Un jeune homme, Jo, lui donne la réplique et d’emblée nous plongeons dans le milieu du théâtre. Mais surtout, nous suivons cette jeune fille, merveilleuse et authentique Rebecca Marder, dans sa vie d’adolescente. Tout au long du film, nous sentons la caméra complice, cordon ombilical bienveillant de Sandrine Kiberlain, gros plans permanents sur ce visage candide, énergique et frais. « Elle est inconsciente de sa séduction, de sa grâce » dit la réalisatrice.
Entourée de sa famille et de ses amis, elle puise ainsi sa force et sa grâce dans ce cercle heureux. Sa grand-mère, magnifique Françoise Widhoff, lui dit : « À 20 ans, rien ne se fera sans toi », « On décide de tout dans la vie », « Rien, ni personne ne prend le dessus sur la vie ». Ces certitudes bienveillantes permettent à Irène d’aller dans la vie avec une sérénité candide.
Pourtant, le spectateur est pris dans les phares entre, d’un côté, une jeune fille légère, amoureuse, pétillante, solaire et, de l’autre, l’apparition d’une fissure terrible au gré des ordonnances anti-juives qui se succèdent et enferment les juifs dans un étau glaçant.
Sandrine Kiberlain l’affirme, Irène va bien. Elle est amoureuse, passionnée. Elle ne pense qu’à son aimé et à son concours. Qu’importe le désordre du monde. Elle arbore cette étoile jaune avec une certaine désinvolture. Mais n’est-ce pas la force de la jeunesse, sa détermination, sa croyance en la vie, sa puissance que nous retrouvons aussi de nos jours ?
J’ai lu des critiques s’attachant à la musique hors de propos, aux vêtements peu fidèles à la réalité de l’époque, aux détails de cette période qui ont fâché ceux qui pensaient voir un film historique. Mais ce n’est pas le sujet ! Absolument pas ! Le sujet, c’est cette jeune fille qui va bien en 1942 parce qu’elle est entourée de gens qui l’aiment. Le sujet c’est sa passion pour le théâtre. Cette jeunesse-là, si forte soit-elle, va se voir fauchée, fracturée, dépecée, niée, anéantie par l’ombre épouvantable du nazisme.
Film terriblement émouvant qui entre en résonnance avec le journal d’Anne Franck et celui d’Hélène Berr est à voir absolument.