#main-footer { display: none; }
Jane par Charlotte

Jane par Charlotte

 

Il y a plusieurs jours déjà, je suis allée à l’avant-première du film « Jane » en présence de Charlotte Gainsbourg, long métrage documentaire sur sa mère Jane Birkin.

Dans la famille Birkin/Gainsbourg se dire « je t’aime » en direct est difficile alors on se parle par caméra ou micro interposé. On découvre Jane telle qu’elle n’est jamais apparue auparavant. Fragile, pudique, lumineuse et …drôle. Son regard sur la vieillesse est à la fois touchant et plein d’autodérision. Son visage devenant « comme le genou d’un éléphant » et se décidant à ne pas mettre ses lunettes pour se regarder « floue ».

On assiste alors à une séance de poses que Charlotte organise. Elle tient absolument à ce que ces photos soient celles d’une mère qui reste très belle. La caméra la frôle, la caresse, joue avec la lumière, les sourires et les regards complices de Jane. Sensualité douce et simple.

Jane est une personne intranquille depuis son enfance, prenant des somnifères depuis toujours, morte de peur quand elle doit monter sur scène. Cependant, quand la musique résonne, elle s’épanouit. À Tokyo, à New-York, la caméra s’impose côté coulisses et la frêle Jane est poussée à l’avant de la scène avec force : va-t-elle s’écrouler, se recroqueviller ? Non, elle avance avec fougue et détermination. Sa force créatrice, les défis qu’elle se lance la transcende, la porte. Alors, pour se ressourcer, nous la retrouvons en Bretagne dans sa maison au bord de la mer. Elle est avec Charlotte et Jo, sa petite fille, une enfant espiègle témoin et spontanée.

Un bric-à-brac, comme une liste à la Prévert, poétique et assumé encombre cette demeure. Jane ne sait pas jeter car se débarrasser des choses c’est balancer ces petits riens qui forment le tricot de ses souvenirs. Avec attention et tendresse, elle trouve un endroit improbable où semer les graines de fleurs que lui apporte Jo. Les jours coulent ainsi, sereins et doux.

Un des moments forts de ce film est la visite guidée rue de Verneuil, l’antre de Serge Gainsbourg. Jane y fait ses premiers pas, comme autorisée par Charlotte d’entrer dans le palais de « la belle au bois dormant ». Les souvenirs et l’émotion l’assaille telle cette table de cuisine griffée par Kate, fille ainée de Jane, lorsque, encore enfant, Serge Gainsbourg la grondait. Tout est figé depuis 30 ans, intact : les cendriers sont pleins, les boites de conserves et les médicaments en place dans les placards, les flacons de parfums ont gardés leur fragrance, bulles du passé qui dorment, la sensation que Serge Gainsbourg pourrait, là, à l’instant, pousser la porte de ce lieu mythique.

L’autre moment terriblement émouvant et qui nous arrache des larmes est celui où Charlotte tente de montrer des photos de Kate décédée en 2013. Images qui sont et resteront insoutenables pour Jane. Ce paroxysme de l’émotion est à son comble. Peut-être Charlotte s’est demandée si elle devait garder cette séquence ? La souffrance de Jane est tellement perceptible, palpable.

Le film s’achève sur une image symbolique et universelle, la mère et la fille, cheveux emmêlés face à la mer. Toute fille, toute mère rêverait de cette symbiose, de ce cocon d’amour et de tendresse. Réussir sa vie n’est-ce pas avant tout cette réciprocité d’amour ?

Feu! Chatterton et son palais d’argile

Feu! Chatterton et son palais d’argile

En 1770, Thomas Chatterton, jeune poète de 17 ans, talentueux et fragile, se donne la mort.« Feu ! Chatterton » a emprunté son identité en ajoutant ce « ! » pour mieux le faire renaître. Ce « ! » est un top départ pour ce groupe ambitieux et perméable à l’art en
général.

                                                                                                                                                                                                                                                               © Antoine Henault

Malheureusement début 2020, la pandémie oblige l’annulation du spectacle. Resteront les chansons de ce 3 ème album. Son  architecture et son âme seront sauvés.

Ces pièces musicales, tel un puzzle complexe, s’assemblent harmonieusement pour former un tissu poétique allant d’hier à ce qui sera demain. Prophétiques, elles s’emboitent, s’ajustent dans une parfaite maitrise.

D’abord ces 3 titres, « Nouveau monde », « Cristaux liquides » et « Écran total », nous plongent dans une réalité électronique et froide. Vocabulaire rejetant l’âme et la poésie, l’humain exclu, renvoyé dans les limbes. Le « Palais d’Argile » prend l’eau, s’amollit, se
désagrège mais rien n’est définitif.

Deux titres, au milieu de l’album, font la part belle à la poésie. « Avant qu’il y ait le monde », poème de William Butler Yeats, qui s’adapte parfaitement à notre époque. Douce mélancolie des paroles. Puis, « Compagnons des mauvais jours », terrible chanson qui lorsqu’elle vous embarque au petit matin vous tient en fredonnant jusque tard dans la nuit. Renaissance de ce poème de Jacques Prévert repris maintes fois par les plus grands, Reggiani, Montand, les Frères Jacques.

Une pépite telle « la mer » qui place des mots sur notre âme pour mieux l’apaiser. Chaque parole entre en résonnance avec quelque chose de l’ordre du sublime.

Dans ce disque il y a des textes qui nous invitent au spleen, à la certitude du dérisoire mais, de l’autre côté, on découvre ce désir qui tenaille, qui hèle, qui aspire à la lumière d’un « Nouveau monde ».

Ces 5 garçons, copains de jeunesse pour 3 d’entre eux, sont dans la maitrise absolue de leur art. Arthur Teboul, chanteur à la tessiture « aznavourienne », participe grandement au charme romantique et à la poésie fascinante de cet album. S’y ajoute cette fois, Arnaud Rebotini, fan de claviers et de synthétiseurs analogiques, « César 2018 » de la meilleure musique pour le film « 120 battements par minute ». Il a su par son génie, glisser un fil d’or dans chaque morceau.

Retrouvez-les en live en 2022 pour une grande tournée qui débute le 19 janvier à Bruxelles, s’arrêtera à Paris le 10 février au Zénith (j’y serai !) et le 24 juin à l’Hippodrome de Longchamp.