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Revoir Paris – Vers la lumière

Revoir Paris – Vers la lumière

Déconnectée des sorties cinéma durant presque 3 mois, je reviens en tâtonnant, ne sachant pas vraiment ce que j’ai envie d’aller voir. Je n’aime pas lire les critiques avant d’aller en salle car mon jugement en serait influencé, voire altéré.

« Revoir Paris »ne me disait rien qui vaille : encore un film sur la capitale qui serait vendu cher à l’étranger. De belles images alléchantes pour donner envie au reste du monde de découvrir la « plus belle ville du monde ».

C’est peut-être la seule critique que je pourrai faire à ce film : son titre.

C’est, transposée, l’histoire de Mia, Virginie Effira, tellement humaine et fascinante, prise dans la folie   destructive des attentats du 13 novembre 2015.

Mia revient à Paris après une convalescence auprès de sa mère. Elle voudrait reprendre le fil de sa vie d’avant, celle d’une femme vivant en couple dans un milieu aisé. Très vite, elle se sent en décalage avec le monde réel. Elle est « à côté» comme ceux qui ont connu un drame traumatisant. Sa vie d’avant se défait dans un lent délitement ; sa mémoire est en miette, fragmentée, explosée.

Mia, telle une enquêtrice, va s’acharner à lever le voile noir de sa mémoire, à reconstituer le puzzle de ses émotions. Elle va aller à la rencontre de ceux et celles présents ce soir. Elle va au contact des « vrais gens » mais aussi avec ces fantômes, victimes disparues à jamais qui s’attachent à ses pas.

Elle va rencontrer une jeune fille qui a perdu ses parents. Celle-ci est en quête de ce qu’ils faisaient ce jour-là en visite à Paris. On retrouve Mia et cette jeune fille au musée de l’Orangerie.

Elles sont face aux Nymphéas de Claude Monet. La jeune fille a, en main, une carte postale qui lui était destinée et qui est un détail des Nymphéas. Elles cherchent chacune ce détail dans cette salle ovale où courre la magie de cette peinture. Scène pathétique et émouvante.

Elle va aussi faire la connaissance de Thomas lui aussi touché par l’attentat.

Benoît Magimel interprète cet homme atteint dans sa chair mais doté d’un humour et d’une sensibilité à fleur de peau.

Mia, telle une enquêtrice, veut retrouver l’homme qui a contribué à lui sauver la vie.

Elle va découvrir, à cette occasion, un autre monde, celui invisible, des sans-papiers, des exclus, des pauvres de la porte de la Chapelle. Elle va se souvenir des mots chuchotés, rassurants, des mains croisées sur les siennes, ce baume salvateur dispensé par cet homme.

C’est un film sur la résilience mais aussi sur la force du collectif, un film sur les rencontres, sur les liens indéfectibles.

Un film bouleversant sur la force magistrale de la vie.

Une jeune fille qui va bien – Jeunesse : Résistance Éternelle

Une jeune fille qui va bien – Jeunesse : Résistance Éternelle

Sandrine Kiberlain réalise son premier film « Une jeune fille qui va bien ». C’est un mélange de sa propre histoire, elle a suivi des cours d’art dramatique, et de celui de ses ascendants dont elle réinvente le passé.

En 1942 une jeune fille juive, Irène, suit avec passion des cours de théâtre et se prépare ardemment au concours d’entrée du conservatoire. Un jeune homme, Jo, lui donne la réplique et d’emblée nous plongeons dans le milieu du théâtre. Mais surtout, nous suivons cette jeune fille, merveilleuse et authentique Rebecca Marder, dans sa vie d’adolescente. Tout au long du film, nous sentons la caméra complice, cordon ombilical bienveillant de Sandrine Kiberlain, gros plans permanents sur ce visage candide, énergique et frais. « Elle est inconsciente de sa séduction, de sa grâce » dit la réalisatrice.

Entourée de sa famille et de ses amis, elle puise ainsi sa force et sa grâce dans ce cercle heureux. Sa grand-mère, magnifique Françoise Widhoff, lui dit : « À 20 ans, rien ne se fera sans toi », « On décide de tout dans la vie », « Rien, ni personne ne prend le dessus sur la vie ». Ces certitudes bienveillantes permettent à Irène d’aller dans la vie avec une sérénité candide.

Pourtant, le spectateur est pris dans les phares entre, d’un côté, une jeune fille légère, amoureuse, pétillante, solaire et, de l’autre, l’apparition d’une fissure terrible au gré des ordonnances anti-juives qui se succèdent et enferment les juifs dans un étau glaçant.

Sandrine Kiberlain l’affirme, Irène va bien. Elle est amoureuse, passionnée. Elle ne pense qu’à son aimé et à son concours. Qu’importe le désordre du monde. Elle arbore cette étoile jaune avec une certaine désinvolture. Mais n’est-ce pas la force de la jeunesse, sa détermination, sa croyance en la vie, sa puissance que nous retrouvons aussi de nos jours ?

J’ai lu des critiques s’attachant à la musique hors de propos, aux vêtements peu fidèles à la réalité de l’époque, aux détails de cette période qui ont fâché ceux qui pensaient voir un film historique. Mais ce n’est pas le sujet ! Absolument pas ! Le sujet, c’est cette jeune fille qui va bien en 1942 parce qu’elle est entourée de gens qui l’aiment. Le sujet c’est sa passion pour le théâtre. Cette jeunesse-là, si forte soit-elle, va se voir fauchée, fracturée, dépecée, niée, anéantie par l’ombre épouvantable du nazisme.

Film terriblement émouvant qui entre en résonnance avec le journal d’Anne Franck et celui d’Hélène Berr est à voir absolument.

Jane par Charlotte

Jane par Charlotte

 

Il y a plusieurs jours déjà, je suis allée à l’avant-première du film « Jane » en présence de Charlotte Gainsbourg, long métrage documentaire sur sa mère Jane Birkin.

Dans la famille Birkin/Gainsbourg se dire « je t’aime » en direct est difficile alors on se parle par caméra ou micro interposé. On découvre Jane telle qu’elle n’est jamais apparue auparavant. Fragile, pudique, lumineuse et …drôle. Son regard sur la vieillesse est à la fois touchant et plein d’autodérision. Son visage devenant « comme le genou d’un éléphant » et se décidant à ne pas mettre ses lunettes pour se regarder « floue ».

On assiste alors à une séance de poses que Charlotte organise. Elle tient absolument à ce que ces photos soient celles d’une mère qui reste très belle. La caméra la frôle, la caresse, joue avec la lumière, les sourires et les regards complices de Jane. Sensualité douce et simple.

Jane est une personne intranquille depuis son enfance, prenant des somnifères depuis toujours, morte de peur quand elle doit monter sur scène. Cependant, quand la musique résonne, elle s’épanouit. À Tokyo, à New-York, la caméra s’impose côté coulisses et la frêle Jane est poussée à l’avant de la scène avec force : va-t-elle s’écrouler, se recroqueviller ? Non, elle avance avec fougue et détermination. Sa force créatrice, les défis qu’elle se lance la transcende, la porte. Alors, pour se ressourcer, nous la retrouvons en Bretagne dans sa maison au bord de la mer. Elle est avec Charlotte et Jo, sa petite fille, une enfant espiègle témoin et spontanée.

Un bric-à-brac, comme une liste à la Prévert, poétique et assumé encombre cette demeure. Jane ne sait pas jeter car se débarrasser des choses c’est balancer ces petits riens qui forment le tricot de ses souvenirs. Avec attention et tendresse, elle trouve un endroit improbable où semer les graines de fleurs que lui apporte Jo. Les jours coulent ainsi, sereins et doux.

Un des moments forts de ce film est la visite guidée rue de Verneuil, l’antre de Serge Gainsbourg. Jane y fait ses premiers pas, comme autorisée par Charlotte d’entrer dans le palais de « la belle au bois dormant ». Les souvenirs et l’émotion l’assaille telle cette table de cuisine griffée par Kate, fille ainée de Jane, lorsque, encore enfant, Serge Gainsbourg la grondait. Tout est figé depuis 30 ans, intact : les cendriers sont pleins, les boites de conserves et les médicaments en place dans les placards, les flacons de parfums ont gardés leur fragrance, bulles du passé qui dorment, la sensation que Serge Gainsbourg pourrait, là, à l’instant, pousser la porte de ce lieu mythique.

L’autre moment terriblement émouvant et qui nous arrache des larmes est celui où Charlotte tente de montrer des photos de Kate décédée en 2013. Images qui sont et resteront insoutenables pour Jane. Ce paroxysme de l’émotion est à son comble. Peut-être Charlotte s’est demandée si elle devait garder cette séquence ? La souffrance de Jane est tellement perceptible, palpable.

Le film s’achève sur une image symbolique et universelle, la mère et la fille, cheveux emmêlés face à la mer. Toute fille, toute mère rêverait de cette symbiose, de ce cocon d’amour et de tendresse. Réussir sa vie n’est-ce pas avant tout cette réciprocité d’amour ?